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Posted on 2 février 2013 in Vins suisses

Les 700 ans de 3 cépages survivants

Les 700 ans de 3 cépages survivants

Dimanche 20 janvier 2013, au Musée de la vigne et du vin et au Château de Sierre, on a célébré les 700 ans, jour pour jour, d’un document fondamental. Pour la première fois, il certifie l’existence de trois cépages valaisans.

Par Pierre Thomas
L’événement se voulait à la fois historique et festif, sous la houlette du Dr José Vouillamoz, généticien de la vigne, et fondateur de l’association Vitis alpina.manus_1313.jpg

Mais prenons l’Histoire à rebrousse-poils… Les trois cépages du parchemin de 1313, dont il existe deux exemplaires, l’un aux Archives cantonales du Valais, et l’autre à l’Evêché de Sion, sont écrits en latin, «neyrun», «humagny» et «regy». 650 ans plus tard, on aurait pu en faire la «nécrologie»: l’épidémie du parasite phylloxéra, en deux vagues, jusqu’en 1920, puis la replantation du vignoble en cépages plus faciles à cultiver et plus productifs, ont failli rayer les trois variétés de la carte.
Le retour de l’authentique
Aujourd’hui, grâce au retour en grâce des cépages «authentiques» et originaux, le «neyrun», s’il désigne le «cornalin» est sauvé. Ce cornalin-là est désormais une des vedettes du vignoble valaisan, sur 121 hectares, mais faillit en disparaître dans les années 1970. La rèze, même si elle n’est cultivée que sur 2,4 hectares, reprend vie, parce que les bourgeoisies du Val d’Anniviers ont décidé d’y revenir pour leur fameux «vin du glacier», pour lequel elle avait été supplantée par la marsanne (ermitage en Valais) et le pinot gris (malvoisie). On a même découvert, du côté d’Ayent, deux ceps de rèze rouge, vinifiés par Jean-Paul Aymon! L’humagne blanche, enfin, sur 30 hectares, résiste et peu donner des vins d’une remarquable complexité, comme celle, délicatement barriquée, de Robert Taramarcaz.
Qu’ils soient cultivés aujourd’hui (fût-ce sur 3% du vignoble et pour un peu moins de 3% de la production totale du Valais) a permis à ces cépages d’être sauvés de l’oubli. Grâce à l’ADN, le même principe que la «recherche en paternité» pour l’Homme, et au Valaisan José Vouillamoz, qui en a fait sa passion, les trois cépages de 1313 ont permis d’avancer sur la connaissance du développement de la vigne. Ainsi, la rèze est présente non seulement en Valais, mais en Savoie (sous le nom de «blanc de Maurienne»), dans le Jura français et au Piémont. «C’est le cépage alpin par excellence, qui a eu une influence génétique importante», explique le chercheur. Quant à l’humagne, elle vient sans doute du sud de la France et on la retrouve en Gascogne, sous le nom de «mioussat».
Une piste pour le (faux) cornalin
Finalement, le «Neyrun», écrit avec une majuscule, est-il synonyme de noir («nerum») ou d’autre chose? José Vouillamoz propose une piste: ce serait un cépage venu du Val d’Aoste, du hameau de Neyrun, d’où vient aussi le «cornalin» valaisan, qui est le «rouge du pays» issu d’un croisement de mayolet et de petit rouge valdôtains. Ce n’est là qu’une hypothèse : «Quand je vois comme on s’est trompé, au fil des siècles, sur l’origine des cépages, j’ai aussi droit à l’erreur», rigole celui qui vient d’obtenir une reconnaissance internationale, avec «Wine Grapes», cosigné avec Jancis Robinson et Julia Harding. Une somme qui raconte l’histoire de 1’368 cépages, dont 39 suisses, anciens ou modernes, et, parmi eux, une douzaine de valaisans pure souche.
©thomasvino.ch