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Posted on 29 octobre 2010 in Vins suisses

Meinrad Perler, meilleur vigneron de Suisse 2010

Meinrad Perler, meilleur vigneron de Suisse 2010

Le «Tessinois» Meinrad Perler,
meilleur vigneron de Suisse 2010

C’est le Fribourgeois Meinrad Perler, propriétaire d’Agriloro (22 hectares de vignes), qui a été couronné vigneron de l’année 2010, à l’issue du concours du Grand Prix du Vin Suisse (GPVS). Son assemblage rouge 2008 (une année difficile au Tessin), Sottobosco, a été le vin le mieux noté du concours. Le producteur tessinois a devancé les Valaisans Diego Mathier et Provins-Valais, déjà de caves déjà désignées «meilleure de Suisse» en 2007 et 2008.

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Le septuagénaire, véritable force de la nature, est un fils de paysans broyards. Il a effectué une brillante carrière de banquier. Dans leur ouvrage «Scandale au Crédit Suisse», les deux journalistes de la Tribune de Genève d’alors, feu Max Mabillard (ancien rédacteur en chef de Bilan) et Roger de Weck, futur directeur général de la SSR, avaient souligné son rôle. En 1977, «encore jeune, la trentaine, épaules d’athlète et large front dégarni, Perler impressionne ses collègues. Par ses compétences et sa capacité de travail.» Ces deux qualités, il les mettra au service de la vigne, au début des années 1980… Mais le 24 avril 1977, l’ex-procureur du Sottoceneri, Paolo Bernasconi, ordonnera l’arrestation immédiate des dirigeants du Crédit Suisse de Chiasso, dont Perler. Ils sont accusés de falsification de documents et de gestion déloyale. Quelques jours plus tard, le Fribourgeois sera relaxé : «Les pièces en possession du procureur montrent qu’il s’est fréquemment distancé de l’œuvre des deux autres directeurs», qui ont fait perdre au Crédit Suisse des centaines de millions de francs. Ils avaient engagé plus de deux milliards de francs d’argent provenant d’évasion fiscale dans des opérations douteuses d’une banque parallèle, la Texon, active en Italie notamment dans plusieurs domaines viticoles prestigieux en Toscane (!).
Retiré des affaires bancaires, Meinrad Perler achète des 1981 deux domaines au Tessin, le Tenimento dell’Or et la Prella. Longtemps, les vins sont vinifiés par un jeune œnologue doué, Sacha Pelossi (lire ci-dessous) et désormais par Philipp Rüttimann. Les vins sont très variés, tirant parti de nombreux essais viticoles — Perler fait visiter sa formidable collection de cépages.
Le merlot Riserva du Tenimento dell’Or fait partie de la Mémoire des vins suisses (mdvs). Ces dernières années, les vins, vinifiés avec élégance, sont montés en puissance. Agriloro est souvent présent en Suisse romande, aux salons Arvinis, à Morges, et aux Goûts et Terroirs, à Bulle.

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Sacha Pelossi (à dr.) et son frère Christian, entourant un ami commun, à la fin des vendanges 2009 .
(photo Pierre Thomas).

Comment le Merlot a changé

Retour sur les hauts de Lugano, à Pazzallo. Au revers du San Salvatore, la petite cave des frères Pelossi est encombrée de cuves et de fûts dans tous les coins. Au sous-sol de la maison paternelle, ces fils d’ingénieurs, Christian, 38 ans, et Sacha, 41 ans, ont monté leur petite cave, après avoir vinifié dans leur garage. Des deux, qui ont fait Changins, le plus connu est Sacha : ce grand gaillard, hyperactif, est le bras droit de Meinrad Perler, à Agriloro, aux portes de Chiasso, une vingtaine d’hectares répartis entre le Tenimento dell’Or et la Prella.
Dans le Luganese, les frères Pelossi s’occupent de 3 ha de vignes familiales, à Lamone et à Agra. Leurs cuvées respectent ces terroirs : «Lamone, structuré et plus acide, typé du Luganese, et Agra (Collina d’Oro), plus riche en alcool et en arôme, plus proche des vins du Mendrisiotto», détaille l’œnologue. Sur l’évolution du merlot du Tessin, Sacha Pelossi est intarissable : «Les Tessinois ont toujours fait du vin, mais les grandes caves gagnaient leur vie grâce au commerce d’importation d’Italie. L’arrivée des Suisses alémaniques a permis aux Tessinois de redécouvrir ce qu’ils avaient laissé tomber. Au début, il y a eu deux écoles: ceux qui faisaient des rouges durs et tanniques et d’autres, des vins légers et souples, prêts à être bus. Les consommateurs ont donné raison aux seconds… Puis, dès 1985, le bois a envahi le Tessin : le chêne est entré dans le goût du merlot. Aujourd’hui, on le maîtrise mieux. Surtout, ce qui a changé à la vigne, c’est la mécanisation et l’amélioration qualitative des produits phytosanitaires. Et puis, le réchauffement climatique a régulé la qualité du Merlot. Depuis 1995, nous n’avons enregistré que de bons millésimes, sauf 2001 et 2008. En travaillant mieux les vignes et en repoussant la date des vendanges, le raisin a beaucoup gagné en qualité. Alors, bien sûr, on voit les Vaudois et les Valaisans, après les Genevois, planter du Merlot. Mais dans les mentalités, le merlot reste associé au Tessin. Si la qualité se maintient, nous ne perdrons pas nos marchés.»
(tiré de Vinum, janvier 2010)
©thomasvino.com, 29102010