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Posted on 27 août 2009 in Vins suisses

Franz Weber anime le feuilleton de l’été 09

Franz Weber anime le feuilleton de l’été 09

Pour les Vaudois, Franz Weber, «guest star» de Montreux, a animé le feuilleton de l’été 2009. Le 7 août, il a déposé les signatures à l’appui de «Sauvez Lavaux III», dont 16’829 ont été reconnues valables. Les Vaudois voteront donc une troisième fois sur le sujet. Pierre Thomas a suivi ce feuilleton à travers la presse régionale. La commission intercommunale de Lavaux a immédiatement contre-attaqué dès l’annonce de l’aboutissement de l’initiative par le site «Pour un Lavaux vivant». La polémique sera virulente jusqu’au verdict populaire: deux fois déjà, les Vaudois ont  dit oui à Franz Weber.

Acharnement thérapeutique? Visions passéistes d’un octogénaire, tenace et pugnace? A 82 ans, le champion de l’écologie avant qu’elle soit à la mode, finit par agacer les Vaudois. Dans L’Hebdo du 9 juillet, Isabelle Falconnier écrit : «En matière de sagesse populaire, avant de savoir, par la voix des citoyens, si «Deux c’est assez, trois c’est trop» est plus vrai que «Jamais deux sans trois», une autre ritournelle s’applique : «On ne peut faire le bonheur des gens malgré eux».

Aussi dur que Rocky

Pas sûr que le peuple vaudois, quand il devra se prononcer — le Grand Conseil doit encore se déterminer et la date de la votation populaire n’est pas fixée —, donne tort à Franz Weber, même si le natif de Bâle n’a pas toujours été suivi à deux pas de son domicile de Montreux. Mais il aime bien enfoncer le clou… Quitte à risquer le combat de trop, comme Sylvester Stallone dans ses Rockys.
A Lavaux, Weber en est à son deuxième «remake» avec Lavaux III (contre cinq à l’acteur américain !). Il faut dire qu’en 2005, lorsqu’il a lancé Lavaux II, les autorités locales lui donnaient déjà tort. Pourtant, en votation populaire, les Vaudois, à quatre contre un, ont confirmé qu’ils veulent que la protection de Lavaux figure clairement dans la Constitution vaudoise. Revisée en 2003, la charte fondamentale s’était contentée de grands principes, tout en évacuant Lavaux, pourtant inscrit en toutes lettres dans ce texte, de haute lutte, il y a plus de trente ans. La loi découlant de la première initiative date du 12 février 1979. Elle instituait un «plan de protection de Lavaux». Aujourd’hui, Franz Weber et son comité proposent un nouveau texte, rédigé de toutes pièces, et renforcé.

Une loi rédigée de toutes pièces

Pas sûr que les 17’000 signataires — alors qu’il n’en fallait que 12’000, dûment validés — ont tous lus les 35 articles rédigés en écriture serrée en trois colonnes sur une page et demie de texte. Ce papier, Franz Weber l’a renvoyé en tous ménages, fin juin. A l’en-tête d’Helvetia Nostra, le Mister Proper montreusien écrit : «Morceau par morceau, le vignoble qui vous tient à cœur est bétonné, grignoté, banalisé». Et encore : «Allez vous promener dans Lavaux ! Vous verrez des grues, des gabarits, des panneaux de permis de construire en plein vignoble, du béton qui pousse partout ! Vaudoises, Vaudois ne vous laissez pas voler Lavaux !»
La lettre a fait mouche. Le 24 juin, dans le quotidien vaudois 24 Heures, le conseiller d’Etat Jean-Claude Mermoud lâchait : «Il (Franz Weber) travaille sur l’émotion, nous (le Conseil d’Etat) sur des aspects techniques». L’écologiste a réussi à réveiller les autorités. Pas seulement les syndics de Lavaux, souvent des vignerons, qui en veulent aujourd’hui au bouillant empêcheur de bétonner en rond, mais aussi l’Etat.

Une révision renvoyées aux calendes vaudoises

Depuis 1994, le plan de protection de Lavaux aurait dû être revisé… Pourtant, de réunions en réunions, rien ne sortait du chapeau. La nouvelle Constitution en 2003, puis l’initiative Lavaux II en 2005, et l’inscription de Lavaux au Patrimoine Mondial de l’Unesco, le 28 juin 2007, ont servi de prétexte pour remettre à chaque fois l’ouvrage sur le métier. Eperonné par Franz Weber, l’Etat, finalement, soumet un nouveau plan à la consultation jusqu’au 10 septembre, pour entrée en vigueur début 2010. Et le bon espoir que ce document décourage les citoyens vaudois de voter une troisième fois «oui» pour sauver Lavaux.
Car pour Jean-Claude Mermoud, «la surface viticole n’a pas diminué et les bourgs ont gardé leur caractère authentique». Le Conseil d’Etat, après discussion avec les quatorze communes concernées par le périmètre de protection, un espace tampon entre les agglomérations tentaculaires de Lausanne et de Vevey-Montreux, propose de réduire de 4% les zones constructibles (20 % du périmètre). 78% de la surface serait ainsi inconstructible. Et une commission d’experts devrait préaviser tous les projets d’importance, notamment pour les 2% réservés aux équipements publics, tels des parkings recouverts de vigne, comme à Rivaz, à Lutry, Cully, Grandvaux, Aran et Saint-Saphorin (où un projet enlaidissant le bord du lac a été stoppé l’été passé).

Des syndics toujours plus exaspérés

L’initiative veut aller plus loin, en décrétant une inconstructibilité générale, avec des exceptions, à apprécier de cas en cas. Les syndics-vignerons ne veulent pas en entendre parler. Dans L’Hebdo du 9 juillet, Pierre Monachon, syndic de Rivaz et président de Terravin, se fâche : «Il nous fatigue Franz Weber ! (…) Nous n’avons pas besoin de sa nouvelle initiative pous savoir comment protéger Lavaux !» Dans 24 Heures, le 12 juillet, le vigneron Maurice Neyroud, de Chardonne, président de la Commission intercommunale de Lavaux (CIL), constate : «Tout le monde veut sauver Lavaux. Mais nous estimons qu’il est sauvé.»
Une éventuelle campagne populaire en Pays de Vaud promet de déchaîner des passions encore plus vives, de lâcher des démons, avec la tentation pour les citoyens de montrer, dans le secret des urnes, qui détient vraiment le pouvoir. Car certains syndics, qui se sont largement exprimés dans le courrier des lecteurs 24 Heures, n’y sont pas allés de main morte, accusant Franz Weber de vouloir mettre Lavaux sous cloche ou de le transformer en Ballenberg. «Cette initiative fait tellement peur que tous les moyens sont bons», s’insurgeait le Montreusien, dix jours avant le dépôt légal de l’initiative, signée par plus de 20’000 personnes. Et les vignerons, à part quelques anciens déjà à ses côtés lors de son combat héroïque de 1972, semblent lâcher Franz Weber. Mais on connaît son opinion sur cette discrétion: par peur de représailles, certains préféreraient le soutenir dans l’ombre.

Eclairage
Comment mettre en valeur le patrimoine UNESCO ?

Paradoxalement, tandis que la récolte de signatures pour Lavaux III battait son plein, la presse vaudoise constatait que, deux ans après l’accession de la région au Patrimoine mondial de l’UNESCO, rien ne s’est passé pour la mettre en valeur. Les panneaux signalant Lavaux au bord de l’autoroute Lausanne-Montreux ou sur les routes cantonales n’ont toujours pas été validés. Quant au bâtiment destiné à présenter en permanence 300 vins de Lavaux, et un film didactique en huit langues, le Vinorama de Rivaz, il ne devrait pas être terminé avant le mois de décembre, avec inauguration officielle au printemps 2010. Au moment où le Conservatoire du Chasselas, un projet du vigneron de Cully Louis-Philippe Bovard primé par les Retraites populaires, devrait prendre corps, à Rivaz également. Du moins, de la vigne a été replantée, là où les Grands Moulins, grossière verrue de Lavaux, ont bienheureusement disparu… Et mi-juillet, la Commission intercommunale de Lavaux (CIL) a nommé un Monsieur Lavaux, Emmanuel Estoppey, 35 ans. Cet actuel collaborateur de Villars-Tourisme, ancien président de l’Association suisse des accompagnateurs en montagne, sera le promoteur et gestionnaire du site inscrit au Patrimoine mondial de l’UNESCO. Et selon nos informations, Franz Weber n’était pas candidat (!).Paru dans le Journal vinicole suisse de septembre 2009.