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Posted on 26 avril 2014 in Vins suisses

Consommation du vin vaudois  Ces bons chiffres qui tombent si mal

Consommation du vin vaudois
Ces bons chiffres qui tombent si mal

L’augmentation de la consommation des vins suisses en 2013 est principalement à mettre au crédit des vins vaudois. Mais en 2012, c’était aussi à cause de la baisse de la consommation des vins vaudois — et notamment du vin blanc descendu pour la deuxième année consécutive sous les 19 millions de litres — que la consommation des vins suisses était passée sous la barre symbolique des 100 millions de litres. En 2013, elle est remontée à 107 millions de litres (soit + 10,2%), et les vins AOC vaudois y contribuent à eux seuls pour 7 millions (4,9 mios pour le blanc, 2,1 mios pour le rouge). Question subsidiaire, mais d’actualité : cette embellie aura-t-elle une incidence sur la votation cantonale «Sauvez Lavaux 3», le 18 mai ? (Réponse claire en fin de papier: non!)

Par Pierre Thomas

Pour les chiffres globaux, lire notre fiche séparée. On y voit que la part des vins suisses dans la consommation, si elle a progressé, n’atteint toujours pas les 40% (39%) par rapport aux vins importés (61%).

Le fait saillant de cette embellie, ce sont les chiffres vaudois. Sur son blog (www.valaisduvin.com), le journaliste sierrois Paul Vetter parie sur une erreur de calcul. Ce ne serait certes pas la première fois que cela se produit ! Il y a quelques années, le merlot du Tessin transformé en vin blanc avait été comptabilisé deux fois, sous le rouge et le blanc. Erreur corrigée depuis. En 2013, alors que tous les cantons romands affichent une baisse de leur production conséquente (- 20% pour la Suisse romande), le Tessin affiche + 7,2% et le merlot vinifié en blanc (882’500 litres) représente 20% du vin rouge et 15% du total de la vendange (et même 66% du vin blanc tessinois).

Les chiffres de 2006 avaient aussi été corrigés, par l’adjonction de ceux des vignerons-encaveurs, augmentant les stocks de plus de 8 millions de litres.

En examinant les chiffres, c’est plutôt la chute brutale des vins vaudois en 2012 qui fait tache dans le paysage. En 2004, première année où la comparaison est basée sur une pleine année civile, Vaud affichait près de 33 millions de litres de consommation de vin, dont 24,5 mios de blanc. Dès 2009, la consommation passait sous la barre des 30 mios, pour atteindre le creux historique de 25,4 mios en 2012, dont 18,4 mios de blanc (avec des stocks records en début d’année de 36,4 mios).

2013, avec des stocks de blancs en début d’année à 38,7 mios de blanc, s’annonçait sous les pires auspices. La très faible récolte 2013 (— 25%) de 15 mios de litres de blanc a fait baisser les stocks à 30,6 mios de litres à fin 2013. Ce sont les stocks les plus bas depuis la rectification d’écritures de 2006…

En 2013, la consommation de vins vaudois s’établit donc à 23,3 millions de litres de blanc et à 9,1 millions de litres de rouge (total 32,45 mios de litres).

Comment expliquer ces variations qui profitent aux vins suisses? Berne met en garde contre une interprétation hâtive. De fait, des vendanges importantes, qui pèsent plusieurs mois sur le marché, se produisent cycliquement, tous les 4 ans pour Vaud (2004, 2007, 2011). A contrario, les vendanges 2013 ont été les plus faibles depuis plus de 30 ans ! De sorte que 2014 s’annonce avec une baisse notable de la consommation des vins suisses et vaudois parce qu’il y en a tout simplement beaucoup moins sur le marché…

Ensuite, en 2012, pour bénéficier des aides d’Etat à l’écoulement des stocks, le milieu vitivinicole avait tout intérêt à compter jusqu’au dernier litre en cave… Et puis, Vaud a pour habitude de déclasser volontairement son chasselas : 1,7 million de litres l’auraient été en 2013. L’aide fédérale à l’écoulement des stocks a permis d’éliminer, en les déclassant, 3,1 mios de litres de vins AOC pour 4,6 mios de francs (sur un crédit possible de 10 mios de francs).

Comme le fait remarquer un vigneron genevois, tous ces chiffres ne signifient pas grand’chose si l’on ne sait pas à quels prix les vins ont été vendus. 7 millions de litres de «mieux» de vins vaudois bradés à 2 francs le litre ne pèsent pas la même chose que ces mêmes 7 millions de litres valorisés à 10 francs ! En l’absence d’Observatoire des vins suisses, annoncé par le président de l’Interprofession des vins suisses, le conseiller national neuchâtelois Laurent Favre, pour fin 2014 (avec un rapport au printemps 2015), seules des hypothèses peuvent être émises.

Le responsable de l’Observatoire des vins vaudois, professeur d’économie à Changins, Florian Burdet, a confié au site Internet non-a-l-initiative-de-trop.ch qu’«En grandes surfaces où s’écoulent une partie importante des vins vaudois (réd. : 70% des vins consommés en Suisse sont achetés en grandes surfaces), les consommateurs ont bien réagi aux baisses de pris et les volumes vendus ont sensiblement augmenté (en 2013)». (…) «La grande distribution a multiplié les opérations spéciales avec des rabais pouvant atteindre jusqu’à 40%. En moyenne, sur trois ans, le prix d’un litre de vin blanc de Lavaux a baissé de 2,50 fr. (1,90 fr. la bouteille). Or, cette pression à la baisse sera difficile à inverser. Une fois que les consommateurs se sont habitués à payer moins pour un produit, il est difficile de les convaincre de payer à nouveau le prix initial.»

Le même site, qui milite pour le rejet de l’initiative Lavaux 3 le 18 mai et l’adoption du contre-projet du Conseil d’Etat, rappelle que la consommation de vin blanc étranger en Suisse a augmenté de 145% depuis la libéralisation du marché et celle des vins blancs suisses a baissé de 55%, durant ces mêmes 20 dernières années. Les vins blancs vaudois ont toutefois mieux résisté : leur consommation a diminué de 45% (sans tenir compte de l’embellie des chiffres 2013 !).

Reste la question du prix. «On observe qu’en franc constant, toutes les appellations (de village) ont perdu entre 40% et 50% de leur valeur. Même le dézaley, dont on croit parfois qu’il a résisté à la baisse, perd 42,5% de sa valeur en 25 ans.» A cause de la faible récolte 2013, le prix du vrac — qui concerne 50% des vins de Lavaux ! — est certes remonté. Mais en 2012, selon le Groupement des encaveurs-négociants de Lavaux (GENAL), il s’échelonnait entre 5 et 6.20 fr. le litre de vin clair, alors que le prix de production s’élève à 6.35 fr., selon un spécialiste agricole.

Le comité contre l’initiative Lavaux 3 rappelle que, selon le rapport de l’UNESCO de 2007, «le principal risque qui menace Lavaux serait une dégradation de l’économie viticole.»

Et donc pas le bon moment, décidément, d’aller claironner une telle embellie !

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Le face-à-face en affiches des deux comités pour et contre Lavaux 3.

PS: Le 18 mai 2014 seuls 28,6% des Vaudois ont soutenu la troisième initiative de Franz Weber «Sauver Lavaux». Le contre-projet du Conseil d’Etat a été, de son côté, approuvé par 68,5% des votants.

©thomasvino.ch