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Posted on 12 septembre 2013 in Vins suisses

Vinotiv : les douze joyaux des Grisons

Vinotiv : les douze joyaux des Grisons

L’an prochain, en 2014, le groupe Vinotiv fêtera ses dix ans, dans les Grisons. L’anniversaire sera fêté en grande pompe en 2015, avec un événement qui devrait associer aux producteurs tout le pays et même l’étranger. Le point sur Vinotiv avec Irène Grünenfelder, 49 ans, présidente pour 2013 et son successeur désigné pour 2014, Martin Donatsch, 35 ans.

Irène Grünenfelder et Martin Donatsch ©Hans-Peter Siffert weinweltfoto.ch

Irène Grünenfelder et Martin Donatsch
©Hans-Peter Siffert weinweltfoto.ch

Composé de 12 membres, Vinotiv s’est désormais organisé en comité, présidé à tour de rôle par un des trois producteurs, après le long «règne» de Christian Hermann. Au duo interviewé, s’ajoute Daniel Marugg, qui devrait présider en 2015, l’année festive. Deux experts hors milieu vitivinicole appuient le trio dans ses démarches, Peter Eggenberger, manager de plusieurs entreprises suisses (Moevenpick, Jelmoli, Betty Bossi), puis de Bad Ragaz, et le communicateur Andreas Bonifazi. En 2013, Vinotiv a organisé six manifestations, et une délégation des Grisons était aussi présente au 10ème anniversaire d’Arte Vitis, à Lausanne.

A l’origine, trois producteurs venaient de chacun des quatre villages de la Bündner Herrschaft (Fläsch, Maienfeld, Jenins, Malans), mais cet équilibre a été légérement modifié avec la retraite d’Elly Süsstrunk, de Maienfeld, remplacée par Jan Domenic Luzi, de Jenins. Chaque année, les 12 producteurs proposent une caisse en bois de leurs 12 vins les plus emblématiques : un véritable «collector», puisqu’il n’y a que 12 exemplaires réservé à chaque vigneron (144 caisses). Au fil des ans, le prix de ce bel objet, qui sert souvent de cadeau, est passé de 380 fr. à 430 fr. Retour sur une démarche collective très intéressante.

Comment voyez-vous Vinotiv ?

IG – C’est surtout une démarche amicale, qui met au centre le plaisir de faire quelque chose avec les autres. Par exemple je peux organiser mon propre wine & dine, mais c’est plus intéressant d’échanger avec d’autres. On parle aussi de nous et nous échangeons des idées.

MD —Vinotiv, ce sont les innovatifs des Grisons.

Comment vous êtes-vous organisés?

IG — Chaque membre s’occupe d’une chose. On se voit une fois par mois au stamm de l’Alter Torkel de Jenins, appartenent à l’association des vignerons de la région. De mon côté, j’ai mené des essais de vinification avec Daniel Marugg : on s’est échangé des lots de raisins et nous avons vinifié ceux de l’autre, pour vérifier qui de l’œnologue ou du terroir domine dans un vin. Par la dégustation, on a estimé que le terroir prime sur l’homme. Et, au final, on avait quatre vins vraiment différents.

Vous êtes 12, en adéquation avec la caisse du millésime. Votre club est-il dès lors fermé ?

MD — Nous ne sommes ni fixés sur ce chiffre, ni fermés. Nous discutons en permanence pour savoir ce qui est bon pour le groupe. Au départ, nous ne nous sommes pas mis ensemble parce que nous étions les meilleurs ou les plus «glamour» : l’essentiel demeure que le groupe fonctionne par sa propre dynamique. Nous sommes différents de l’association des vignerons de la région, où toute nouvelle idée donne lieu à de grandes discussions. En petit groupe, on peut faire plus. Et ça n’est pas parce que nous travaillons ensemble que chacun n’existe pas individuellement. Chaque producteur a son propre business.

Mais comment s’assurer d’une qualité moyenne des vins contenus dans la caisse ?

MD — C’est la meilleure cuvée du domaine, obligatoirement élevée en barriques. On visite les vignes de chacun. On déguste les échantillons des vins ensemble deux à trois fois par année, avant la mise en bouteille.

IG — On a aussi redégusté d’anciens millésimes, pour voir comment ils évoluent, mais aussi comment notre travail évolue…

Avez-vous, une fois, refusé un vin ?

MD — Ces vins ne sont pas des bouteilles isolées : c’est notre meilleure cuvée, par exemple, chez moi, Passion. On ne pourrait donc refuser un vin que s’il y avait une faute œnologique. Et il n’y en a pas eu…

Il y a tout de même des millésimes plus faibles que d’autres ?

MD — Ne perdons pas de vue qu’il s’agit du meilleur de chaque domaine… Il n’y a donc pas de mauvais vin. En Suisse, la tradition veut que nous vendions chaque année nos vins au même prix, quel que soit la cote supposée du millésime. On peut discuter du style de l’année … Mais certains amateurs, des jeunes surtout, ont aimé à nouveau le pinot noir grâce au millésime 2003, celui de la canicule, que les vignerons considèrent comme atypique. Et le 2009, autre année chaude, se discute aussi.

IG — Les grandes années sont 2004, 2005, 2008 et 2011. Mais il n’y a plus de petites années.

A l’image de vos deux domaines, où vous cultivez 60% de pinot noir, la région s’ouvre de plus en plus aux cépages blancs. Est-ce que le pinot noir n’est pas en déclin ?

MD — Le pinot, c’est vrai, est souvent difficile quand on commence ; ça n’est pas un vin pour apprendre à déguster. On s’attache alors plus à des vins très colorés, très parfumés, très puissants, avec des tanins bien présents et, aussi, du sucre…

IG — Dans les dégustations de Vinotiv, il y a de plus en plus de jeunes… On va du bordeaux vers le pinot.

MD — Oui, plus on en connaît sur le vin, plus on apprécie le pinot noir.

Le blanc est une réalité dans votre région. Comment se détermine Vinotiv par rapport à ces vins?

MD — On a étudié la question d’une caisse de 12 vins blancs. Actuellement, les discussions sont suspendues. Car, si on veut faire comme pour le pinot, il faut se concentrer sur un seul cépage. Et il n’y a guère que le chardonnay…

… mais le chardonnay est-il encore à la mode ?

MD — Beaucoup de monde y revient, dans le style de la Bourgogne, après la vogue du Nouveau Monde. Le chardonnay n’a pas dit son dernier mot ; il n’est pas fini !

IG — Ici, le sauvignon blanc est aussi à la mode et il y a un retour du riesling-sylvaner, sans compter le completer… en plus des pinots blanc et gris. Il y a une grande variété dans les blancs.

MD — Mon père, Thomas, a été le premier à planter du chardonnay en toute illégallité, il y a 40 ans. Pour les 100 ans de notre domaine, en 1997, nous avons replanté du completer, arraché par mon grand-père 50 ans auparavant. On en a 0,6 hectare, maintenant. Et notre completer fait partie de la Mémoire des vins suisses.

Le réchauffement climatique ne va-t-il pas hypothéquer l’avenir du pinot noir ?

IG — Il y a vingt ans, quand j’ai débuté, en 1993, on se demandait si on allait arriver à 95° Oechslé. Aujourd’hui, on se demande comment éviter de dépasser les 100°. Pour corriger cette tendance, j’effeuille moins. J’ai aussi remonté un peu le rendement, passant de 400 à 500 g. en moyenne au mètre carré. Et puis, officiellement, on peut planter de la vigne jusqu’à 600 m. d’altitude. Il y a déjà du pinot blanc entre 650 et 750 m. d’altitude. Et on devrait sérieusement réfléchir à planter du pinot noir à cette altitude, pour éviter d’être surpris s’il s’avère nécessaire de le faire.

Sur le fond, comment voyez-vous l’évolution de ces dix dernières années ?

MD — Pour moi, le pinot noir est le meilleur cépage du monde. On peut tout faire avec : les meilleurs rouges, les plus grands champagnes, et même du «vintage» muté, comme nous, dans un style de porto, sur les conseils de Dirk Niepoort.

IG — Grâce à la concurrence, il y a toujours plus de bons vins dans notre région. Ce qui va changer, c’est le rapport que nous entretenons avec l’écologie. Nous sommes en production intégrée, avec des vignes enherbées, et certains débutent avec le bio. L’écologie est le grand thème du futur, même si nous avons beaucoup de pluie dans notre région. Grâce au cycle végétatif long (réd. : en 2013, on pourrait s’acheminer sur des vendanges à fin octobre), notre pinot noir développe des arômes intenses, avec une bonne structure et une bonne acidité. Ce qui nous distingue aussi, ce sont les différences entre vignerons. Sinon, autant faire du Coca-Cola ! (rires)

Propos recueillis par Pierre Thomas à l’Alter Torkel de Jenins, le 3 août 2013.

Les vignerons membres de Vinotiv : Andrea Davaz, Fläsch ; Christian Hermann, Fläsch ; Daniel et Monika Marugg, Fläsch (Bovel) ; Hélène von Gugelberg (Schloss Salenegg), Maienfeld ; Markus et Karin Stäger, Maienfeld ; Irène Grünenfelder (Eichholz), Jenins ; Jan Domenic Luzi (Sprecher von Bernegg), Jenins ;  Christian et Francisca Obrecht (Zur Sonne), Jenins ; Annatina Pelizzatti, Jenins ; Georg Fromm, Malans ; Martin Donatsch, Malans ; Peter Wegelin (Scadenagut), Malans .

www.vinotiv.ch