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Posted on 31 décembre 2009 in Vins suisses

Vaud — Le chasselas est bel et bien vaudois

Vaud — Le chasselas est bel et bien vaudois

Chasselas, cépage vaudois

Il est des nôtres !

On attendait beaucoup du travail mené par le biologiste et généticien José Vouillamoz sur le chasselas. Mandaté par la Communauté interprofessionnelle du vin vaudois et la Confrérie des vignerons de Vevey, il a livré son verdict : le chasselas est bien originaire de l’arc lémanique, sans doute des environs de Lausanne.
Par Pierre Thomas
Depuis longtemps, la plupart des auteurs se rangeaient derrière l’opinion du spécialiste de la vigne, l’ampélographe français Adrien Berget, en 1906 : «Il faut s’en tenir, pour l’origine du Chasselas, comme pour la plupart des cépages : ils dérivent du pays où leur culture est à la fois la plus répandue et la plus ancienne. (…) Il n’y a pas de doute que le Chasselas soit le raisin suisse par excellence.» Dans son «Dictionnaire encyclopédiques des cépages», paru en 2000, Pierre Galet énumérait toutes les hypothèses sur l’origine du cépage. Mais l’ampélographe français n’avait pas encore accès à la méthode ADN, développée à l’Université de Davies (Californie) par Carol Meredith, dont José Vouillamoz a été membre du groupe de recherche, sur place. Revenu en Suisse, le docteur en biologie valaisan a conservé un mandat à l’Université de Neuchâtel. (Ci-dessous, devant les vignes du château de Tourbillon, à Sion, une photo dparue dans Allez savoir! en octobre 2006)

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Orphelin de père et mère
Grâce à l’analyse ADN, il a pu écarter toute origine «exotique» du chasselas. Il a conduit ses recherches en trois phases et a pu éliminer toute hypothèse précédente, comme une parenté éventuelle avec le Fayoumi d’Egypte. En revanche, la parenté avec le Mornen Noir, appelé aussi Chasselas Noir, a été établie : ce cépage cultivé dans la Loire, mais originaire de la région Rhône-Alpes, «est très vraisemblablement issu d’un croisement naturel entre le chasselas et un autre cépage inconnu». Le Chasselas, au surplus, est proche de cépages comme le Nebbiolo, le Lagrein ou le Teroldego (Italie du Nord), l’Altesse, le Viognier, le Savagnin blanc ou le Manseng (France) et le Completer grison, le Hitzkircher lucernois, la Bondola tessinoise ou l’Arvine valaisanne. Mais faute de pouvoir définir les parents du chasselas, qui restent inconnus, «la génétique seule ne permet pas de localiser plus précisément l’origine du Chasselas».
Des pistes via Mâcon et Lausanne
Le chercheur a donc examiné les documents historiques à sa disposition. Même si ce cépage n’y est plus cultivé aujourd’hui, le village de Chasselas, près de Mâcon «constitue très vraisemblablement un lieu de transition». De même que le nom de «Lausannois ou Luzannois trahit la provenance initiale du chasselas.» Pour le Dr José Vouillamoz, la chose est sûre: les Vaudois peuvent dire du Chasselas qu’«il est des nôtres !»
 

Eclairage
Une diversité en péril

Une chose est de localiser l’origine du Chasselas. Une autre est d’apprécier sa diversité. Depuis 1945, une des années les plus chaudes du siècle, et le développement par la  Station fédérale de la Haute Sélection (HS 45), ce clone a peuplé la grande majorité du vignoble vaudois (2’365 ha de chasselas en 2008) et valaisan (1’072 ha). Evitant, en taille courte, la coulure et garantissant la fertilité (la «sortie» au printemps), la HS 45, issue de travaux menés dès les années 1920, est aussi synonyme de (trop) gros rendement à la vigne. Au point qu’avec les «quotas» et le réchauffement climatique, cette sélection présente un inconvénient plutôt qu’un avantage… Mais comment «revenir en arrière» et privilégier des clones moins productifs? Aujourd’hui, il ne reste plus qu’une vingtaine de mutations clonales du chasselas recensées. A Lavaux, à Rivaz, le projet de Louis-Philippe Bovard de constituer un Conservatoire mondial du Chasselas, va démarrer ce printemps (2010) par la plantation de clones provenant des collections de Pully, de Cosne-sur-Loire et de la région de Bade. Cinq clones vaudois, le Bois rouge, le Fendant roux, le Giclet, le Vert de La Côte et la Blanchette du Chablais, seront plantés en plus grande quantité, pour obtenir des microvinifications. «Le conservatoire est un élément à la fois historique et progressiste. Je replante du Bois rouge sur mon domaine», explique Louis-Philippe Bovard, toujours bon pied, bon œil à 75 ans !

VO d’un article paru dans le Journal viticole suisse, numéro de janvier 2010 (décembre 2009).