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Posted on 11 janvier 2005 in Conso

Que valent les châteauneufs de supermarchés?

Que valent les châteauneufs de supermarchés?

Un pape et ses vertus cardinales
S'il y a un vin qui symbolise à la fois «le terroir» et l'appellation d'origine contrôlée (AOC), c'est bien le châteauneuf-du-pape. Mais ce prince (de l'Eglise) n'échappe pas à la hiérarchie de la dégustation, contrastée.Par Pierre Thomas
Le Châteauneuf-du-Pape a tout pour plaire. Une origine qui fait rêver (la Provence), une riche histoire, qui remonte au XIVème siècle, quand la papauté s'exila brièvement de Rome en Avignon, et une solide réputation. Plus de la moitié de ses 13,5 millions de bouteilles annuelles sont exportées. Les Suisses, Belges et Allemands, sont en tête des consommateurs, traditionnellement. Et c'est bien un discours de tradition que diffusent les producteurs locaux (www.chateauneuf.com).
Une AOC vieille de 70 ans

On est là au cœur de la première AOC de France, initiée par le baron Le Roy de Boiseaumarie en 1923, confirmée dix ans plus tard par la Cour de cassation. Le territoire est délimité entre 1924 et 1929, sur les communes de Châteauneuf, Bédarrides, Courthézon, Orange et Sorgues. Les cépages autorisés sont treize: huit rouges, grenache, syrah, mourvèdre, cinsault, terret noir, counoise, muscardin et vaccarèse, et cinq blancs, grenache blanc, clairette, roussanne, bourboulenc, picardan et picpoul. Mais le blanc ne représente que 6% de la production.
Des décrets (1966 et 1992) précisent la taille de la vigne, le rendement, limité à 35 hectolitres par hectare, la vendange manuelle, avec tri des raisins et le degré naturel d'alcool, 12°5 minimum et interdiction de chaptaliser (ajout de sucre pour remonter le degré). A noter que tous les vins dégustés affichaient entre 13°5 et 14° d'alcool.
Des paramètres très différents

Tout cela est exemplaire. Sur le papier, du moins. Dans le terrain, les nuances s'imposent. D'abord, sur 3'150 hectares, soit l'équivalent du vignoble vaudois, les sols sont forcément disparates. Le Rhône a bien déposé sur les plus belles terrasses des «galets roulés» qui restituent de la chaleur quand soufle le mistral. Mais des terres plus sablonneuses existent aussi…
Bien sûr, il y a «treize cépages», mais tous ne mûrissent pas avec un égal bonheur. Et certains vins de grenache pur comptent parmi les meilleurs châteauneufs! L'influence des millésimes reste patente: 2000 très chaud, avec des vins presque «cuits»; 2001, destiné à une longue garde (plus de vingt ans); 2002, et ses pluies terribles à l'equinoxe de septembre; 2003, très chaud, pour des vins riches et denses.
Des vinifications modernes
Enfin, les vinifications ont changé: égrappage, foulage mécanique, élevage en barriques neuves. Les œnologues-conseils ont recommandé l'«écrémage» par des cuvées de prestige, chères et confidentielles, vantées par la critique internationale, Robert Parker en tête, nommé citoyen d'honneur du bourg en 1995. Reste, alors, aux supermarchés, le choix entre les vins de négociants (30% de la production) et les châteaux de plus ou moins bonne renommée. Le gagnant du jour (La Nerthe) fait partie des plus dynamiques: l'honneur de Châteauneuf est sauf!
Eclairage
Des pirates méditerranéens
Il arrive qu'on glisse des «pirates» dans une série dégustée à l'aveugle. D'abord, pour s'assurer que les dégustateurs jugent le vin pour ce qu'il est. Ensuite pour mesurer la qualité de la série.
Nos deux intrus ont pleinement joué ce rôle. Ils n'avaient certes pas été «piqués» au hasard. Quand, sur un rayon, il n'y a qu'un seul châteauneuf-du-pape et un Château Mas Neuf, l'acheteur lambda peut vite prendre l'un pour l'autre… Décoré d'une médaille d'or au Concours agricole de Paris, ce Costières-de-Nîmes, appellation voisine et concurrente de la castelpapale, n'a pas à rougir de la comparaison, avec des cépages identiques et dans un excellent millésime comme 2001.
La «Cuvée mythique», fleuron du géant Val d'Orbieu (15 coopératives, 180 domaines, 4000 producteurs!), a divisé le jury quant à son élevage en fûts. Et par le cabernet sauvignon, qui s'ajoute à la syrah, au grenache, au mourvèdre et au carignan. Mais le potentiel de cette bouteille à 12 fr. 50, médaille d'or du Concours des grands vins du Languedoc, est unanimement salué.

Article paru à l'appui d'un test de 12 vins achetés en supermarché, en mai 2004, dans le magazine de consommateurs Tout Compte Fait, Lausanne.