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Posted on 15 janvier 2009 in Vins français

Jura — Le Vin Jaune fait sa fête 2009

Jura — Le Vin Jaune fait sa fête 2009

Le Vin jaune fait la fête
Le dernier week-end de janvier, les vins du Jura sont en fête. Entre 30 et 50'000 personnes, en fonction du lieu et du temps, se déplacent dans une région saluée «destination européenne d’excellence» en 2008.
Par Pierre Thomas

A l’échelle de la France, le vignoble jurassien n’est pas bien grand : 2'000 hectares pour 8 millions de litres, du Crémant du Jura aux deux spécialités locales, le Vin Jaune et le Vin de paille, en passant par des rouges à base des cépages locaux, poulsard et trousseau, et des blancs, souvent à base de chardonnay.
Par comparaison, le vignoble genevois a produit, sur ses 1'300 ha, 10 millions de litres de vin, en 2008. Et c’est, précisément, à Genève, au Chat Botté de l’hôtel Beau-Rivage, que les vignerons jurassiens sont venus présenter leur fête, qui attire tant de monde (trois à cinq fois plus qu’Arvinis à Morges ou VINEA, les grandes manifestations romandes autour du vin, en avril et en septembre).
En treize éditions, sur le modèle de la Saint-Vincent tournante des Bourguignons, les Jurassiens ont fait le tour de la région : après les deux villages de Passenans et Frontenay, ils reviendront donc en 2010 à Poligny, d’où l’idée est partie…
Le premier fût de 2002 mis en perce

Emblématique, le Vin jaune ne représente que 4% de la production, avec, au sommet, une AOC qui lui est dédiée, Château-Châlon. C’est bien sa célébration qui est au cœur de la fête, même si les vins jurassiens de tout type coulent à flots dans les caveaux, où 80 producteurs les font goûter, moyennant l’achat d’un verre (vide) à 11 euros (pour dix dégustations). Et la fête a pris le nom de «Percée», le moment où les vignerons font sortir de cave leur nectar le plus rare, après six ans et trois mois de patient séjour. Un fût de 228 litres sera béni, le week-end, à cheval, cette année, sur janvier et février (31 et 1er), et «mis en perce» : il s’en échappera les premières gouttes du millésime 2002.
Un vin qui prend le voile

Un jury déguste aussi les vins et leur attribue des distinctions. Une opération appelée «clavelinage», du nom du flacon propre au vin jaune. Son format trapu et sa contenance de 62 centilitres rappellent qu’en un peu moins de sept ans, le vin perd près de 40% de son volume, par évaporation naturelle, la «part des anges».
On est là au cœur du «mystère» de ce vin unique. Comme à Jerez de la Frontera, en Andalousie, le blanc jurassien est un «vin de voile». Moins par allusion au rôle joué par les abbesses de Château-Châlon, dont la légende dit qu’elles eussent, les premières, oublié un tonneau au fond d’une cave, puis découvert par hasard les vertus du long vieillissement, mais parce, dans un fût jamais manipulé, les levures forment à la surface une sorte de croûte. Le vigneron se contente de laisser reposer le vin, sans jamais compléter les fûts par du vin (l’«ouillage»). Le vin s’oxyde patiemment, en milieu fermé, sans que cela soit un défaut (comme la madérisation). Le péril de la «piqûre acétique» guette : parfois, des fûts «tournent» et sont bons pour la vinaigrerie…
L’élevage plutôt que le cépage
Le cépage joue-t-il un rôle? Le savagnin, que les Valaisans cultivent sous le nom de païen ou d’heida, est seul toléré pour le Vin jaune. Il doit être bien mûr, donc cueilli tard, en octobre, pour que la base du vin titre 13° d'alcool. Mais c’est davantage le processus d’élaboration qui confère au nectar son fameux «goût de jaune», pour les initiés, ou le «goût de noix», pour le grand public.
Concours de cuisine, autour de la truite, apprêtée avec une sauce au précieux vin — il n’en faut que quelques gouttes pour la parfumer —, et vente de vieux millésimes — le Vin Jaune est presque immortel — complètent les animations musicales, que les organisateurs promettent très jazzy cette année.
www.percee-du-vin-jaune.com
Eclairage
Les Américains hostiles au clavelin

A une vingtaine d’euros et plus (30 à 40 francs suisses), le «clavelin», le Vin jaune à la couleur presqu’ambrée, parfait sur un comté, un fromage cousin du gruyère, mais à la douceur plus proche de l’emmental, demeure une curiosité pour initiés. Les Japonais, déjà cible des producteurs de xérès, le découvrent: les vins forts en goût et en alcool s’accommodent de la cuisine exotique contrastée (aigre-doux, acide-amer…).
Et les Américains pourraient bien suivre. Fin avril, une vingtaine de vignerons du Jura s’en iront à New York, Toronto et Montréal pour faire découvrir leur Vin jaune. Avec un obstacle : les 62 cl du clavelin ne sont pas reconnus par les Américains. Il y a vingt-cinq ans, l’Europe communautaire avait déjà voulu faire rentrer dans le rang les Francs-Comtois en leur imposant la bouteille de 75 cl. Pour l’export, certains vignerons ont dérogé à l’AOC, qui impose le flacon original au produit qui ne l’est pas moins.
Article paru dans
Hôtel Revue, le 15 janvier 2009.