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Posted on 5 octobre 2016 in Tendance

Le vin prend d’assaut Internet

Le vin prend d’assaut Internet

Acheter son vin sur Internet, c’est possible ! Et toujours plus : chaque vigneron a son propre site et pour les vins étrangers, vendus à 80% en supermarché, en Suisse, chaque grand distributeur a développé sa stratégie et offre son assortiment en ligne.

Par Pierre Thomas

Des chiffres pour commencer : selon une étude mondiale, la commercialisation de vins en ligne devrait représenter 6 milliards de dollars en 2016, soit 6 fois plus qu’en 2006. La Chine pèse un poids déterminant dans ces chiffres, parce que le commerce local de vins y est fort peu développé.

En Suisse, où 88% de la population a accès à Internet, aucune statistique ne sépare le vin des produits alimentaires. Dominique Locher, directeur de Le Shop, où la Migros est devenue majoritaire en 2006, transformant le site en filiale «en ligne», détaille: «En Suisse, 1,8% des denrées alimentaires sont achetées en ligne, contre 14 à 15% des vêtements et 25% des appareils électriques (cuisine, loisirs, téléphones portables). La proportion est encore plus forte pour les services digitalisables, comme la musique, les livres, le cinéma, les voyages et les réservations d’hôtels. Pour l’alimentaire, on se trouve à l’aube d’une explosion, même si elle n’atteindra pas celle des services digitalisables. Ce marché de l’alimentaire pèse 40 milliards de francs : tout pour-cent de croissance gagné représente des dizaines de millions. L’Angleterre est à 6%, la France à 4,5%, mais l’Allemagne et l’Italie seulement à 1%. Déjà maintenant, il n’y a aucune raison que le consommateur transporte lui-même des denrées lourdes, comme le vin, ou encombrantes, comme les couches pour bébé. Le commerce en ligne offre du service ! Et c’est ce service qui est apprécié de notre principale clientèle, la jeune mère de famille active, qui planifie ses achats pour toute la semaine.»

Le vin produit d’appel

Le vin fait donc naturellement partie de l’assortiment du supermarché en ligne. Et si Migros ne vend pas de vin dans ses succursales, il en achemine via son réseau PickMup, appelé à se densifier à hauteur de 120 enseignes à fin 2016. S’ajoutent le site de Denner , celui de Globus et le nouveau venu, le portail de vente en ligne galaxus-digitec, qui livre également via les PickMup.

Ces différents moyens en périphérie de Migros sont là pour contrer la présence écrasante de Coop en Suisse, estimée à près de 60% de part de marché des vins. Jusqu’en 2015, le vin figurait dans l’assortiment de son propre supermarché en ligne (coop@home). Mais le groupe a lancé, l’an dernier, Mondovino, un site dédié, qui fait croire à un réseau d’«initiés», à un «club», comme l’est, par exemple, DIVO, propriété du géant du monde agricole, Fenaco, ou CAVE SA, mais pratique une politique agressive. Personne, dans ce domaine, ne publie de chiffres : le vin est une vitrine et, souvent, un produit d’appel. Et sans doute encore davantage si on peut se faire livrer chez soi ! L’offre, en nombre de vins, est déjà impressionnante.

Toujours déguster avant d’acheter !

A quoi devrait-on faire attention avant de commander du vin sur Internet ? Si vous ne voulez pas recevoir des offres toutes les semaines sur votre ordinateur (et surtout le week-end pour Mondovino), ne postez pas votre adresse e-mail à l’un de ces sites. Tous font des promotions, sur les prix cassés, à rythme plus ou moins régulier, et à coup de courriels plus ou moins racoleurs.

Ensuite, avant d’acheter, on devrait toujours déguster un vin : l’interaction entre les points de vente et les supermarchés en ligne permet d’aller faire son choix «physique» au magasin, de déguster le vin et, ensuite, de le commander en ligne. Et, nonobstant les frais de port, la plupart des fournisseurs acceptent de livrer à partir d’une seule bouteille.

La vente de vins par Internet va se développer en Suisse et l’assortiment favorise les vins étrangers. Elle oblige, en parallèle, les vignerons suisses à inventer des stratégies de proximité, notamment par l’œnotourisme, pour éviter que le vin finisse par n’être qu’un produit comme un autre. L’enjeu est de taille. Et la proportion de vins étrangers bus en Suisse reste extrêmement importante : près des deux tiers contre un peu plus d’un tiers pour les vins indigènes. Une offre encore plus déséquilibrée en ligne, où les vins étrangers proposés sont plus près de 75%.

Eclairage

Le vin au bout du doigt

«Tout le monde a l’obligation de proposer ses produits sur le net», foi de Dominique Locher, qui prêche pour sa paroisse. La remarque vaut autant pour les marchands de vins, grands et petits (près de 2’500 en Suisse, un record mondial !) que pour les vignerons suisses (2’500 eux aussi). Pour les premiers, la vente des vins de bordeaux «en primeurs» (soit par souscription, deux ans avant de se faire livrer) Internet est une aubaine, mais également pour l’amateur, qui peut comparer les prix.

L’atomisation des domaines viticoles suisses encourage la création de plate-forme, comme www.swisswinedirectory.ch, un répertoire qui permet de se (re)diriger sur les sites des domaines, ou www.swissfinewine.ch qui ambitionne de devenir un réseau d’informations pour les vins suisses. D’autres «start-up» vendent des sélections de vins, comme www.swisswineselection.ch, www.swissgrapes.ch, ou www.provino.ch, bien pourvu en vins vaudois de vignerons qui n’ont pas de site Internet, par exemple.

Sur le modèle de QoQa, www.qwine.ch, propose un vin par 3 ou 6 bouteilles, ou un spiritueux (par unité), chaque jour, à son réseau (il suffit de quelques clics pour y adhérer) : le temps étant compté, on peut parler d’achat compulsif… Impossible de goûter (il faut faire confiance au choix de deux œnologues) ou de recommander : il faut se décider le jour-même ! Depuis 2009, 300’000 bouteilles par an auraient ravi 25’000 fidèles. L’application Omywine, sur smartphone (infos sur mogs-wine.ch), vise aussi l’immédiateté : il suffit de scanner une étiquette de bouteille, puis de passer commande et le vin, dégusté au restaurant, sera livré, du producteur au domicile du client. IntelliWine, dès l’an prochain, devrait conseiller des vins selon le profil de celui qui pourra les commander depuis son smartphone. Et www.wiine.me offre une boutique en ligne, des abonnements à des cartons de vins et des services comme une «académie du vin» en ligne, avec cartons de démonstration et cours de dégustation virtuels, mais aussi des cours d’œnologie «physiques» (à Berlin, Zurich, Genève et Lausanne). (PTs)

Enquête parue dans Le Matin-Dimanche du 25 septembre 2016.

©thomasvino.ch