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Posted on 24 février 2016 in Vins suisses

Grains nobles du Valais  Victimes des «écureuils»

Grains nobles du Valais
Victimes des «écureuils»

Jusqu’ici, les raisins ont été victimes de divers animaux : des oiseaux (c’est le cas de plus en plus courant des fruits mûrs d’arrière-automne !), des sangliers, des cerfs… Mais des «écureuils» ? Jolie image en fait pour qualifier les acheteurs qui thésaurisent ces vins en cave, sans jamais les servir. Que ces vins soient aptes à un vieillissement interminable brouille encore leur image.

Par Pierre Thomas

De fait, la trentaine de membres de la Charte Grain Noble ConfidenCiel, signée il y a vingt ans, en 2006, n’ont présenté que vingt échantillons, dont plusieurs de la même cave, à la dégustation biennale (tous les deux ans) au Sensorama du Château de Villa à Sierre, début février 2016.

Il faut dire, comme le rappelle l’œnologue Emmanuel Charpin, président du mouvement, que le climat du Valais de ces dernières années n’a guère été favorable aux «grains nobles», dont la définition ne figure dans aucun texte légal. Depuis 2007, dernier grand millésime de raisins «rôtis» par la «pourriture noble» (comme 2005, 2000 et 1990), des automnes et des débuts d’hiver trop secs ont empêché le développement du champignon de botrytis cirenea. 2013 et 2014 laissent un peu d’espoir, mais la plupart des vins, tirés exclusivement des cépages marsanne, pinot gris, sylvaner, arvine et amigne, sont encore en cours d’élevage. Les autres années, il faut se conter des arômes «flétris» de la surmaturation sur souche.

A mettre plus tard sur le marché

Outre la dégustation du Sensorama, les producteurs eux-mêmes s’astreignent à une dégustation d’agrément à l’aveugle pour «qualifier» leur cuvée. Dans les projets, Emmanuel Charpin carresse toujours l’espoir de pouvoir constituer une «coopérative de conservation» des meilleurs vins du Valais, et pas seulement des liquoreux. Car ces facons sont mis sur le marché presque toujours trop tôt. «Pour les liquoreux, l’idéal serait de les garder en cave entre 4 et 10 ans, avant de les libérer comme vins mûrs et à point», explique M. Charpin. Grosso modo, on estime que seuls 15 hectares (sur les près de 5’000 ha du Valais), situés sur la rive droite du Rhône, sont réservés aux vins liquoreux de la Charte par la trentaine de producteurs. Et cette surface donne entre 10’000 et 15’000 litres par an de vins labellisés, d’un rendement huit à dix fois inférieur à celui d’un blanc sec.

Servir un vieux liquoreux sur tout un repas

Les vieux millésimes peuvent être servis sur tout un repas, argumente l’œnologue, à condition de jouer sur les épices de chaque plat. Car cantonner les vins liquoreux aux desserts — au risque d’alliances mal-à-propos, la grande sucrosité s’opposant toujours à la douceur de la plupart des desserts… — limite leur usage à table. Et le «vin de méditation» paraît déjà passé de mode…

Lors de la cinquième «Nuit des vieux millésimes», le 3 mars 2016, organisée par le journaliste spécialisé Alexandre Truffer, qui est aussi chargé des relations publiques de la Charte, un repas accompagné uniquement de plusieurs (vieux) Grain Noble ConfidenCiel aura lieu. La Charte entend aussi organiser deux événements par an pour les prescripteurs. Parmi les plus gros producteurs de liquoreux figurent le Domaine du Mont-d’Or, la coopérative Provins, les domaines Rouvinez et Jean-René Germanier SA, et parmi les plus confidentiel(le)s, Marie-Thérèse Chappaz et Fabienne Cottagnoud, dont les surmaturés figurent régulièrement au sommet de la dégustation.

Paru dans Hôtellerie & Gastronomie Hebdo du 24 février 2016.

Mes GNC préférés (dégustés à l’aveugle en février 2016).

*****

Ermitage, Tourbillon 2012, Provins-Valais
Belle robe dorée; nez de graphite; d’écorce de mandarine; du gras, de la puissance; ananas confit, puis citron vert,
gingembre, rhubarbe; belle complexité,

bel équilibre acide-sucrosité; citron confit en finale. 95
Ermitage 2012, Clos de Châteauneuf, Philippe Varone
Belle robe dorée; nez d’une grande complexité,

un peu sur la retenue, miel, truffe, un peu beurré;

belle attaque élégante, fondue; du gras, de la longueur;

miel, coing, mirabelle; belle cohérence. 95
Malvoisie flétrie 2013 Maurice Zufferey
Or, joli nez, légère ascécence, rôti, thé Earl grey;

attaque grasse, puissant, fruits confits, sucre candi;

long, gras, belle liqueur; zestes de citron confit, pêche Melba. 95
Ermitage 2011, Clos de Châteauneuf, Philippe Varone
Bel or; nez baroque, thé Earl Grey, caramel;

belle attaque, du gras, de la puissance;

vin déjà fondu, bien en place; grande liqueur, onctueux;

belle longueur, droit. 95

Petite arvine, grain par grain 2011, Marie-Thérèse Chappaz
Or, à reflets orangés; nez ouvert et puissant, abricot, pêche;

attaque crémeuse, grande douceur, viscosité;

note de safran; très grasse, marmelade d’orange amère;

très long…, beaucoup de sucrosité, mais de l’acidité en fin
de bouche. 95

 

Assemblage Grains de Malice 2010, Provins
Or; notes d’évolution, vers le cuir, le tabac;

grande complexité; attaque sur l’ananas confit, du gras,

de la puissance, eau-de vie de framboise,

truffé en fin de bouche; très élégant, fin. 95
****

Amigne Mitis 2013, Jean-René Germanier
Nez curieux, léger fumé, boisé; attaque sur une bonne acidité,

mais retour sur le boisé; raisins de Corinthe, abricot sec;

finale sur des notes d’encens; encore marqué par l’élevage,

mais beau potentiel. 93
Amigne de Vétroz 2012, Fabienne Cottagnoud
Bel or; des notes de curry, aillacé (truffe blanche);

attaque ample, avec des notes d’évolution, de fruits jaunes,

de mirabelle; grande puissance, grande douceur;

belle liqueur; finale résineuse, un peu bourgeon de
sapin; gras et puissant. 93

Ermitage Tourbillon 2011, Provins
Vieil or; nez de Grand Marnier, avec des notes de noisette;

attaque d’une grande douceur, arômes de tarte
Tatin, de pommes caramélisées; belle acidité,

grande longueur, belle puissance; finale orangée. 93
Malvoisie 2010, Fabienne Cottagnoud
Or, notes d’ascécence, d’agrumes; attaque sur la douceur; rhubarbe, citron vert confit; de l’acidité, de la fraîcheur;
un vin dynamique, où le cépage est méconnaissable. 93

***
Ermitage 2013, Denis Mercier
Nez de champignon, légère ascécence;

attaque sur une grande sucrosité, presque sirupeuse;

rhubarbe confite; bonne acidité, mais très grande liqueur;

rappelle la tarte au citron meringuée… 90

Petite arvine 2012, Grain de Folie, Benoît Dorsaz
Belle robe dorée; nez de paille, de colle aussi; attaque ample, sur les agrumes confits,

le fruit de la passion; notes boisées encore présentes (fumée);

belle longueur, du gras, de la persistance… 90

Ermitage 2012, État du Valais
Robe dorée; nez droit, marqué par l’élevage;

attaque sur la pâtisserie, le malt; fruits jaunes;

finale sur l’encens, le cèdre; vin un peu rigide ;

notes finaldes de quinquina, de cacao…; un peu brûlant! 90

Malvoisie 2011, État du Valais
Vieil or; nez rôti, volatil; attaque sur la compote d’abricot,

le raisin de Corinthe; belle longueur; du gras, de la
complexité; un vin droit, avec du nerf. 90

Ermitage 2008, Gérard Dorsaz
Or; notes briochées; attaque un peu fluide,

sur la banane au rhum; finale sur l’amertume,

le boisé un peu sec; un peu étriqué,

bonne balance entre  arômes frais et déjà évolués ;

bonne acidité, finale sur le bonbon acidulé. 90

Amigne 2006, Fabienne Cottagnoud
Doré presque huileux; nez de foin frais, d’herbes sèches,

de tilleul en fleurs, de génépi; attaque riche, douce,

avec une acidité saillante; un peu déséquilibré,

mais frais et d’un bon volume… Finale sur le foin sec. 90
©thomasvino.ch