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Posted on 28 août 2015 in Tendance

Vitiviniculture vaudoise selon la BCV  un verre à moitié plein et à moitié vide

Vitiviniculture vaudoise selon la BCV
un verre à moitié plein et à moitié vide

Au pays du «ni pour, ni contre, bien au contraire», l’Observatoire de la Banque cantonale vaudoise (BCV) livre un bilan économique du secteur vitivinicole vaudois à fin août 2015. Elle l’avait déjà fait il y a dix ans. Beaucoup de chiffres, mais peu de pistes de réaction.

Pierre Thomas

Pour Jean-Pascal Baechler, ex-journaliste, en charge de l’Observatoire de l’économie vaudoise, «l’état de santé du secteur vitivinicole vaudois est très difficile à estimer.» Et après le cliché typiquement vaudois «Le beau menace ?», il utilise la métaphore du «verre à moitié plein et à moitié vide»

Or donc, «en moyenne», la situation de ce secteur économique sensible, qui pèse un dixième de l’agriculture, soit 0,1%, du produit intérieur brut (PIB) vaudois, calculé selon le même observatoire, n’est «pas catastrophique».

Le rapport de la BCV vaut mieux qu'un slogan «y en a point comme nous».

Le rapport de la BCV vaut mieux qu’un slogan «y en a point comme nous».

Deux fois plus de vigne pour être rentable

Si la vente en grande distribution paraît «difficile», le soutien de la polyculture dans la région de La Côte, où se concentre un peu plus de la moitié des 3’778 ha du vignoble vaudois, lui est plutôt favorable. Les perspectives sont aussi «moins tendues» pour les vignerons-encaveurs que pour les viticulteurs.

La BCV affirme qu’en 25 ans, le seuil de rentabilité d’un domaine viticole est passé de 1 à 1,5 ha de vigne à «3 ha à Lavaux et 6 ha à La Côte». Parmi les rares données disponibles, le rendement à l’hectare est de 33’113 fr. et de 5,07 fr. par litre de vin dans le vignoble vaudois, selon des chiffres publiés par Berne, soit, depuis 1999, une baisse en terme réel de 36,3% à l’hectare et de 5,4% au litre, en tenant compte de l’amélioration des méthodes de production. Pourquoi une telle pression économique? Parce que la consommation du vin par les Suisses a chuté de 30% en 30 ans, on le sait. La fin du protectionnisme a offert aux vins blancs étrangers un certain rattrapage sur le marché : leur consommation a bondi de 158% en 20 ans, tandis que celle des vins indigènes chutait de 37,9%. Ce qu’on sait moins, c’est que la Suisse, de 1905 à 1940 importait déjà 60% de vins étrangers, soit exactement la part d’aujourd’hui.

Et le verre «à moitié plein»? Influencés par des années de petite production — 2013, 2014… et 2015 s’annonce modeste en quantité ! —, les stocks ont diminué et le marché des vins vaudois s’est stabilisé. On parle souvent de chute de la consommation du vin en Suisse. Il y a, certes, une érosion. Mais avec 36 litres de vin par an et par tête, elle permet aux Helvètes (et aux touristes confondus…) d’occuper le 4ème rang des plus gros consommateurs de vin au monde, derrière les Français (49,4 litres), les Luxembourgeois (48, 5 l.), et les Italiens (40,8 l.).

Du chasselas plus que jamais ?

Pour les vins vaudois, Jean-Daniel Baechler constate que l’image du chasselas (67% du vin vaudois en 2014) a évolué vers une certaine reconnaissance : «Qu’on l’aime ou on ne l’aime pas, c’est ce qui différencie les Vaudois». Le rédacteur de la précédente étude (réd : Paul Coudret, passé à la Banque cantonale de Fribourg) s’était attiré les foudres du milieu vitivinicole vaudois en prônant, il y a dix ans, une plus grande diversification de cépages. De fait, le chasselas reste majoritaire à 60,5%, planté sur 2304 ha (record du monde !), mais sa surface a tout de même diminué de 348 ha en 15 ans, au profit des rouges, tels le gamaret, le garanoir et le merlot.

Face à ce bilan économique en demi-teinte, l’observatoire de la BCV positive à fond : «la branche a réagi» et «les producteurs vont au contact du consommateur». Mais en se basant sur l’étude de consommation des vins par les Suisses, de l’institut MIS-Trend, Jean-Daniel Baechler incite les vignerons vaudois à «améliorer l’image de leurs vins», qui s’est largement dégradée entre 1999 et 2013, pour reconquérir un marché alémanique, très citadin, qui boude les vins romands, vaudois comme valaisans. Il les encourage à être en phase avec les nouveaux modes de consommation qui font du vin un «produit d’exception», voire un «produit de luxe».

Précision utile, la BCV ne fera pas de cadeau «financier» aux vignerons, quand bien même «il reste beaucoup à faire» : ça rassure les épargnants. Surtout ceux qui ont perdu l’habitude de boire un coup de blanc à l’apéro.

Un constat, mais pas de recette

Le rapport de la BCV n’a rien à voir avec les études valaisannes, Viti 2015, puis Viti 2020, sur laquelle le Conseil d’Etat valaisan doit rendre son avis, cet automne. Echaudé par les pistes esquissées il y a dix ans qui, pourtant, réclamaient une étude économique sérieuse avant de prendre des mesures qui engagent sur vingt ans, comme le réencépagement en rouge, la BCV ne se risque plus à donner des leçons aux vignerons. Mais il faudrait davantage qu’un simple constat pour redorer le blason des vins vaudois… Du côté de l’Etat de Vaud, on assure qu’aucun «chantier» sur la modification de la législation vitivinicole, notamment pour clarifier le système d’appellation, de crus et de coupage régional, n’est ouvert. L’Etat attend de la Commission interprofessionnelle du vin vaudois qu’elle fasse des propositions. Et, au contraire de l’Interprofession valaisannne qui a engagé le consultant Yvan Aymon, avant d’en faire son président, l’organe vaudois aux pouvoirs plus étriqués qu’en Valais, semble trouver qu’il est surtout… urgent d’attendre!

Version longue d’un article paru dans La Liberté du 28 août 2015.

©thomasvino.ch