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Posted on 10 avril 2014 in Tendance

Un triopack de chasselas trois étoiles

Un triopack de chasselas trois étoiles

On parle souvent du soutien des grands chefs aux vins suisses. Mais rares sont les cuisiniers qui mettent la main à la pâte. Lauréats du Guillon d’Or 2013, la trilogie des triples étoilés qui se sont succédé à l’Hôtel-de-Ville de Crissier, fait l’exercice pratique chez Raymond Paccot, à Féchy.

Par Pierre Thomas (texte et photos)

Ils n’ont pas le même emploi du temps et ont défilé l’un après l’après l’autre, dans la cave du vigneron de Féchy, avec la garantie de ne pas s’influencer. Frédy Girardet, d’abord, qui a élu domicile sur les hauts de la commune de La Côte. Philippe Rochat, ensuite, tout juste retraité. Benoît Violier, enfin. Trois caractères, trois personnalités qui s’expriment dans «leur» vin.

Raymond Paccot dans sa cave de Féchy, devant la cuve destinée au vin de Benoît Violier.

Raymond Paccot dans sa cave de Féchy, devant la cuve destinée au vin de Benoît Violier.

On connaît l’intérêt de Frédy Girardet pour des «chasselas de gastronomie», dans les annés 1980, déjà, quand le vin blanc filait le train de l’apéro consensuel imposée aux consommateurs suisses par le protectionnisme économique. Avec feue la journaliste Catherine Michel, la croisade pour des vins «de gastronomie», plus vifs, sans malo, était lancée. Encore aujourd’hui, un bon quart de siècle plus tard, elle fait des vaguelettes

A chacun sa «cuisine»

L’idée est née autour d’une table, de permettre à Philippe Rochat, alors sur le départ, et à son successeur, Benoît Violier, d’ajouter leur grain de sel au travail de base de Raymond Paccot. Chacun s’en vient donc au printemps se confronter à quelques échantillons à déguster à l’aveugle. «Je leur prépare à chacun trois ou quatre vins de base. A priori, je réserve l’un de mes chasselas parcellaires à chacun : à Girardet, Le Petit Clos, à Philippe Rochat, Le Brez et à Benoît Violier, Bayel. Mais ils ont aussi d’autres chasselas à choix. Et, à chaque fois, jusqu’ici, chacun a préféré le vin que je lui destinais», explique, malicieux, le vigneron. Ensuite, on «dose» l’appoint possible, au-delà des 10% d’un autre cépage, toléré dans l’AOC vaudoise, sans obligation de mention sur l’étiquette (ce serait même «tolérance zéro», s’il s’agissait de fendant… valaisan !).

A disposition, une «bricole» de chardonnay, de doral, de pinot gris, de sauvignon blanc de de kerner. Mais son amigne, Raymond Paccot la réserve au CAVE SA, à Gland, son chasselas sans soufre, au Passeur de vin, à Genève et Lausanne, et son altesse au Midi 20, à Lausanne, à raison d’une seule barrique de 228 litres de chaque.

Un repas à Crissier pour les 2013

Les labels «haute cuisine», confidentiels, précisent peu de chose, que ce soit sur l’étiquette ou la contre-étiquette. L’essentiel est servi, traditionnellement, à Crissier, pour la cuvée du maître des lieux, Benoît Violier, dans des banquets pour Philippe Rochat, et figure au prix courant, pour la cuvée «fg», ornée du fameux logo des initiales enlacées en forme de guitare, pour Frédy Girardet. Mais inutile de se précipiter : le 2012 est épuisé…

Depuis l’an passé, Raymond Paccot propose aussi un coffret des trois vins. Le millésime 2013 sera lancé chez Benoît Violier, le jeudi 15 mai au soir, lors d’un grand repas réunissant une soixantaine de personnes, prêtes à payer le prix fort (650 francs le couvert, six plats apprêtés par les trois chefs, avec des «plus», comme un coffret à emporter) pour déguster l’ultime expérience. Car, pour un chef étoilé, créer sa cuvée, c’est bien. Mais démontrer comment la marier à table, c’est encore mieux !

S’il a été facile de percer les secrets à l’origine des vins, avec la complicité de Jason Miguel, le maître de chai de Raymond Paccot, la suite de la recette reste «top secret». Et sans doute jusqu’à la dernière minute, si Frédy Girardet entend rester fidèle à son credo, «la cuisine spontanée», titre de son best-seller paru chez Robert Laffont en 1982, réédité en 1999, et figurant toujours sur le site de Payot. Avec la mention «indisponible»…

Les trois cuvées et leurs étiquettes propres.

Les trois cuvées et leurs étiquettes propres.

La dégustation des trois vins

FG, Frédy Girardet, Mont-sur-Rolle, AOC, 2013

Majorité de chasselas (Le Petit Clos), avec 10% de chardonnay, 2% de sauvignon, fermentation malolactique partielle (50%). Cuvée créée il y a 25 ans ; 4’000 bouteilles, figure sur le prix courant de la cave (2012 épuisé).

La dégustation : beaucoup de fraîcheur, sur des arômes primaires et fermentaires, du gras ; belle longueur en bouche, souple, avec du volume.

Sélection Rochat, Féchy, 2013

Majorité de chasselas (Le Brez), avec 5% de doral, 5% de pinot gris et 5% de sauvignon, fermentation malolactique partielle (selon les cépages). Deuxième année de production, 1’000 bouteilles.

La dégustation : un vin qui a déjà atteint son point d’équilibre, avec une belle matière, mûre, épanouie, et des arômes de fruits exotiques, de mangue et de papaye.

Benoît Violier, Les Crêts, AOC La Côte, 2013

Majorité de chasselas (Bayel), avec 10% de kerner et 2% de sauvignon ; fermentation malolactique faite sur le chasselas. Deuxième année de production, 1’000 bouteilles.

La dégustation : attaque vive ; la matière, ample, s’élargit en bouche ; de la tension et une pointe d’amertume finale au stade actuel.

Article paru dans Hôtellerie & Gastronomie Hebdo du 10 avril 2014.